[Texte] Les concours de mini-miss, des prisons pour enfants

Venus des Etats-Unis, les concours de mini-miss propulsent les petites filles dans un univers adulte : maquillage, poses suggestives, défilés en maillot… Quels impacts peuvent avoir de tels concours sur leur développement ? Quelle image d’elles-mêmes, de leur corps se construisent-elles ?

Quand le désir des parents emprisonne l'enfant
Pour grandir, l'enfant a besoin d'être porté par le désir de ses parents, mais en même temps, il a besoin que ce désir ne l'étrangle pas. L'équilibre est parfois difficile pour les uns comme pour les autres.

Déjà bien avant la naissance, les parents imaginent le futur de leur enfant. De même en lui donnant son prénom, ils le relient à une figure aimée. Déjà, ils l'espèrent brillant à l'école, charmant en société et le rêvent astronaute, menuisier ou reprenant l'entreprise familiale. Quoi de plus naturel que de souhaiter le mieux à son enfant. C'est fort de tous ces vœux que l'enfant s'élève peu à peu. Ce désir soutient les apprentissages de l'enfant, rendus possibles par le climat de confiance et de sécurité. Dans son lien d'amour et de loyauté envers ses parents, il leur fait plaisir, contrôle ses pulsions, et acquiert peu à peu, à son rythme, limites et désirs propres.

Mais il arrive que les désirs des parents soient à ce point pressants qu'ils devancent le développement de l'enfant, qu'ils ne permettent pas à celui-ci de savoir ce que, lui, veut faire de sa vie. Ce qui pourrait être encouragement devient obligation ; inconsciemment, l'enfant absorbe le désir de ses parents.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le pousser ainsi vers l'âge adulte n'est pas une bonne préparation car l'enfant n'a pas le temps de sentir ce qu'il désire, de douter, d'essayer, d'apprendre par essais et erreurs... Pris dans le désir de l'adulte, il est obligé d'y répondre, au risque d'effets catastrophiques plus tard. Que ce soit à l'adolescence ou à l'âge adulte, tôt ou tard, il sera obligé de faire des choix, de tracer sa voie ; il vaut mieux qu'il ait appris.

Dans ce sens, pousser un enfant à devenir champion de mathématiques, de piano, de motocross, danseuse étoile ou reine de beauté peut provoquer des dégâts ; c'est souvent le priver de son enfance. Ce sera d'ailleurs au détriment de son talent, car le talent ne fait jamais fi de la personnalité propre de l'artiste.

Pour cette première raison, suggérer les concours de mini-miss aux parents est une très mauvaise idée. Mais il y a pire.

Quand la sexualité adulte joue avec les enfants
Pour grandir la petite fille a besoin de s'identifier à sa mère, aux femmes de son entourage, aux personnes qu'elle admire. C'est ce qui la fait essayer le collier de sa maman ou déclarer qu'elle deviendra maitresse d'école. A la recherche de ce qui la différentie du petit garçon, elle essayera les signes, justement, les plus distinctifs : talons hauts, rouge à lèvre et Barbies, et se rêvera en princesse. Les stéréotypes ne sont jamais que les points de repère des enfants, et que ces points de repère soient dessinés au gros trait, quoi de plus normal. C'est donc avec tendresse que l'on peut laisser les petites filles rêver devant leur miroir ou sous le regard enchanté d'un entourage attentif et privé. En laissant la couleur de l'enfance à cette séduction, l'adulte laisse à la petite fille le temps de devenir femme, de devenir une femme qui aura pu se constituer son intimité, son identité propre. Il laisse le temps faire son œuvre de maturation, de transformation de la sexualité enfantine en sexualité adulte.

Par contre, quand l'adulte se saisit de la sexualité enfantine pour l'emmener sur son terrain, il abuse de l'enfant. Comme l'indique le langage, les concours de mini-miss considèrent l'enfant comme un adulte en miniature. Or il n'en est rien ; le monde de l'enfance est profondément différent de celui de l'adulte. C'est la raison pour laquelle la mise en avant des enfants comme des petits adultes que ce soit dans la publicité, dans les émissions de télévision ou dans les concours de mini-miss les arrache à l'enfance pour les projeter violemment dans un monde qui n'est pas le leur, un monde adulte avec ses composantes de sexualité, de séduction, d'excitation... Instrumentalisée au bénéfice du plaisir de l'adulte, la sexualité de l'enfant ne peut suivre son cours et réduit les possibilités pour l'enfant de construire d'abord son intimité et ensuite, comme sujet de désir, des relations amoureuses à un autre, également unique.

C'est la porte ouverte à une sexualité de divertissement, sans enjeu, sans relation. C'est la porte ouverte à ces pratiques sexuelles précoces qui interpellent de plus en plus les éducateurs. Il y a lieu de s'interroger sur une société qui imagine de dangereux pédophiles à tous les coins de rue mais est aveugle à la mise en scène d'une hypersexualisation des plus jeunes sur les écrans, affiches et magazines.

Image de soi et du corps
De tels concours, qui survalorisent l’apparence physique, enferment les petites filles dans des croyances : pour réussir, il faut être belle. Il ne s’agit pas de favoriser chez l’enfant une compétence particulière, comme dans le sport ou la musique par exemple. Perdre signifierait donc qu’elles ne sont pas assez belles pour gagner ? Comment, dès lors, garder une image positive de soi ? Quelles traces gardent-elles de cette défaite ? Comment va se construire leur confiance en elles ? Et en gagnant, quel message leur fait-on passer sur leur valeur ?

Dans une société, portée sur l’apparence et dans laquelle les femmes sont enjointes à être minces, de telles compétitions renforcent ces stéréotypes. Si une petite fille est plongée dans cet univers dès le plus jeune âge, il y a fort à parier qu’elle ne puisse jamais être en paix avec son apparence.

Qu’elles finissent première ou dernière à de tels concours, les petites filles n’y gagneront rien.

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