L'enfance volée des mini-miss et de quelques autres

Carte blanche parue dans La Libre Belgique (24/09/2013) 

Récemment, la France décidait d’interdire les concours de mini-miss. Nous n’avons pas attendu pour travailler cette question de fond qui va bien au-delà de légiférer défilés et paillettes. Comment aider les parents à accompagner le développement de leur enfant hors des crocs des organisateurs de concours en tout genre ?

Quand le désir des parents emprisonne l’enfant

Bien avant la naissance, les parents imaginent le futur de leur enfant : ils l’espèrent brillant à l’école, charmant en société, le rêvent médecin, menuisier ou reprenant l’entreprise familiale. C’est fort de tous ces vœux, que l’enfant s’élève peu à peu.

Ce désir soutient les apprentissages de l’enfant, rendus possibles par le climat de confiance et de sécurité. Dans son lien d’amour et de loyauté envers ses parents, il leur fait plaisir, refrène ses pulsions, et acquiert peu à peu, à son rythme, limites et désirs propres.

Pour grandir, l’enfant a donc besoin d’être porté par le désir de ses parents, mais en même temps, il a besoin que ce désir ne l’étrangle pas. L’équilibre difficile à tenir pour chacun est plus fragile encore quand la culture ambiante promotionne des valeurs de performance et de paraître, au détriment de l’être.

Dès lors, il arrive que les ambitions et les désirs des parents soient à ce point pressants qu’ils devancent le développement de l’enfant, qu’ils ne permettent pas à celui-ci de sentir ce qu’il désire, de douter, d’essayer, d’apprendre par essais et erreurs et de savoir ensuite ce que, lui, veut faire de sa vie… Ce qui pourrait être encouragement devient obligation. Inconsciemment, l’enfant absorbe le désir de ses parents. Dans ce sens, pousser un enfant à devenir champion de mathématiques, de piano, de motocross, danseuse étoile ou reine de beauté peut provoquer des dégâts qui se prolongeront à l’adolescence ou à l’âge adulte.

Quand la sexualité adulte joue avec les enfants

Pour grandir, la petite fille a besoin de s’identifier à sa mère, aux femmes de son entourage, aux personnes qu’elle admire. Elle essaye le collier de sa maman ou déclare qu’elle deviendra maîtresse d’école. Voilà pourquoi, avec tendresse, on laisse les petites filles jouer à être l'adulte qu'elles imaginent ; rêveuses devant leur miroir ou sous le regard enchanté d’un entourage attentif et privé. En laissant la couleur de l’enfance à cette séduction, l’adulte laisse à la petite fille le temps de devenir femme, de devenir une femme qui aura pu se constituer son intimité, son identité propre. Il laisse le temps faire son œuvre de maturation, de transformation de la sexualité enfantine en sexualité adulte.

Par contre, quand l’adulte se saisit de la sexualité enfantine pour l’emmener sur son terrain, il abuse de l’enfant. Les concours de mini miss considèrent l’enfant comme un adulte en miniature. Or il n’en est rien ; le monde de l’enfance est profondément différent de celui de l’adulte.

C’est la raison pour laquelle la mise en avant des enfants comme des petits adultes - que ce soit dans la publicité, dans les émissions de télévision ou dans les concours de mini miss - les arrache à l’enfance pour les projeter violemment dans un monde qui n’est pas le leur, un monde adulte avec ses composantes de sexualité, de séduction, d’excitation… Instrumentalisée au bénéfice du plaisir de l’adulte, la sexualité de l’enfant ne peut suivre son cours et réduit les possibilités pour l’enfant de construire d’abord son intimité et ensuite, comme sujet de désir, des relations amoureuses à un autre, également unique.

C’est la porte ouverte à une sexualité de divertissement, sans enjeu, sans relation. C’est la porte ouverte à ces pratiques sexuelles précoces qui interpellent de plus en plus les éducateurs...

Comment agir ?

Au début de cette année, les parlementaires de tous les partis francophones ont travaillé avec des experts:  pédopsychiatres, sociologues, intervenants de terrain... lors d'une journée au Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles. Ils se sont interrogés sur comment agir face à l’hypersexualisation des enfants.

Légiférer ? Aucune solution simpliste ne réglera cette question d'autant que les commerciaux n'ont pas attendu les interdictions pour déjà organiser leurs contournements sous des formes de mannequinat et autres activités « artistiques »

C'est bien pour ces raisons qu'a été lancée une campagne de sensibilisation rappelant l’importance de laisser grandir les enfants dans leur univers et que nous privilégions les initiatives de soutien à la parentalité qui mettent en avant la créativité et notamment le jeu comme élément essentiel de développement de l’enfance.

 

Vincent Magos, Yapaka – Programme de prévention du Ministère de la Fédération Wallonie Bruxelles

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