Quelle santé mentale dans une société de surveillance ?

Ce 11 février 2014, deux campagnes parlent d’Internet. La première prône un Internet plus sûr, la seconde se mobilise contre la surveillance de masse. Complémentaires ou contradictoires ?

Nous avons déjà longuement expliqué à quel point des campagnes à l’attention des familles qui prônent un Internet plus sûr mettent trop souvent l’accent sur les risques et les filtrages plutôt que l’éducation et la créativité.
Une société de surveillance généralisée pose des problèmes en termes démocratiques mais aussi en termes de santé mentale. C'est sur ce point que nous pensons utile de donner quelques éléments aujourd'hui.

Afin de lutter contre le harcèlement, la pédopornographie et d'éviter l'exposition des enfants à la pornographie nous avons assisté à une multiplication des filtres, parentaux d'abord. Dans un second temps, des pays comme l’Angleterre, ont organisé de manière centralisée un filtrage. Ces démarches, parfois peu opérantes dans la pratique, sont surtout peu éducatives. En effet, tout l’intérêt des barrières, c'est qu'elles soient internes et acquises grâce à l'éducation. Dans ce sens, la meilleure prévention est celle qui aide les adultes à encadrer leurs enfants, en famille et à l'école. Il ne s'agit pas de se focaliser sur les dangers mais bien d'encourager une utilisation créative des nouvelles technologies, étape par étape, en tenant compte du développement de l'enfant.

Dans son développement, il est important que l’enfant fasse tout d’abord l’expérience du respect de son intimité et assimile la distinction entre espaces intime et public. C’est pourquoi il est préférable de ne pas lui ouvrir l’accès à Internet avant 9 ans.

A l'adolescence, le jeune se construit, en extériorisant des fragments de sa personnalité, en proposant à ses interlocuteurs connus ou non, certains aspects de son intimité dont la valeur n’est pas encore claire, pour lui comme pour son entourage. C'est ainsi que l'on peut comprendre la multiplication des pseudo et différents comptes sur les réseaux sociaux. Permettre ainsi à adolescent de rester anonyme, de tester différentes attitudes participe à son développement psychique.

Ainsi, tout au long du développement, se construit une personnalité et, à l'âge adulte, cohabitent en nous différentes modalités qui relèvent de la vie sociale, publique et celles plus privées, partagées avec nos proches. Notre capacité à garder des zones privées, à préserver notre intimité mais aussi notre capacité à faire coexister ces différentes modalités de manière fluide font de nous une personne à la personnalité riche et créative.

Il est une instance psychique que nous appelons le surmoi, cette instance représente les interdits qui nous ont été transmis. Idéalement le surmoi doit être en dialogue avec le moi ce qui nous permet de mener une vie personnelle, tout en tenant compte des règles d'une vie commune, c'est à dire en canalisant nos pulsions les plus chaotiques. Mais pour que cela fonctionne, il est indispensable que le surmoi soit intégré, qu'il fasse partie de notre personnalité.
Une société de surveillance généralisée, organise de manière extérieure cette instance qui devrait être intérieure. Les conséquences peuvent être tragiques : perte de créativité, apathie, docilité, rigidité pour certains et révolte et rage aveugle pour d'autres au point que l'on puisse dire qu'une telle société risque de produire des consommateurs moutonniers, dépressifs et... du terrorisme.

 

Ce texte a été publié initialement sur www.yapaka.be. Il peut être diffusé librement, moyennant la mention de la source.

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