20 ans du KaPP (CUSL-UCL) : "DE LIGNES DE FAILLE EN LIGNES DE FORCE" Évolution de la psychothérapie institutionnelle d’enfants au cœur de la société actuelle

"DE LIGNES DE FAILLE EN LIGNES DE FORCE"
Évolution de la psychothérapie institutionnelle d’enfants au cœur de la société actuelle
F. Tosquelles fuyant l’Espagne Franquiste pendant la guerre 40, est invité par ses collègues français à diriger l’hôpital Saint-Alban. Il y a repensé les soins psychiatriques. Pour lui, il s’agissait d’appliquer à la maladie mentale le principe humaniste du cristal freudien, celui de non-différence structurale entre patients et soignants, chacun situé sur une ligne qui va de la norme à la psychopathologie sans rupture de continuité. Toute personne humaine possède un côté sain sur lequel s’appuyer avec l’aide du thérapeute pour guérir de sa maladie mentale.
Ce soin radicalement nouveau donne alors aux patients eux-mêmes la responsabilité d’organiser leur vie quotidienne avec un contrôle relatif des soignants. De ce fait, leur est donné, dans certaines conditions, les moyens de concourir à leur propre prise en charge, et de devenir acteurs de l’organisation de leur vie quotidienne (P. Delion)*.
Il s’agissait alors de transformer les établissements psychiatriques en lieux d’accueil de la souffrance psychopathologique, ouverts vers l’extérieur et capables de recevoir des sujets tout en les respectant quel que soit leur état pathologique. Pour réussir ce pari, plusieurs dispositifs sont instaurés, notamment les réunions de patients et de soignants qui vont révolutionner les rapports entre ces deux catégories, auparavant souvent opposées.
L’invention d’une psychiatrie à visage humain était née en France, avec la psychothérapie institutionnelle et la psychiatrie de secteur.
Aujourd’hui, la psychothérapie institutionnelle, « une psychiatrie à visage humain », évite de réduire l’homme à la somme de ses composants organiques comme le montre parfois le renforcement d’un scientisme. C’est-à-dire que l’humain n’est pas réduit à une accumulation d’organes mais les motivations et désirs de chacun sont pris en compte et respectés dans la mesure du possible.
Ce concept a connu une évolution importante notamment au niveau des structures de jour destinées aux enfants, entre autres, via R. Mises et C. Jousselme à la fondation Vallée à Paris Des adaptations propres aux enfants et à leur développement ont été nécessaires, soutenues par une vision humaniste de la souffrance et des difficultés au sens large.
C’est, empreint de ces idées qu’il y a vingt ans le KaPP a ouvert ses portes et accueille depuis des enfants de 0 à 12 ans.
À l’heure où les épreuves vécues au niveau sociétal ont bouleversé nos repères et nos liens, comment continuer à penser l’enfant et sa famille au-delà de l’accueil en psychiatrie infanto-juvénile ?
La vie quotidienne au KaPP est rythmée par un travail que l’on s’efforce de soutenir et de penser selon des principes de psychothérapie institutionnelle, tout en adaptant ceux-ci. Nous oeuvrons ensemble en équipe pluridisciplinaire pour des enfants et leur famille, confrontés à des souffrances importantes et nous les soutenons dans leur lien avec un système de soins spécifique. En partenariat avec les intervenants dans leur diversité et les familles, nous construisons un projet reprenant l’ensemble des composantes émotionnelles, affectives, éducatives et d’instruction. La formation continue du personnel y est un atout indispensable.
Les motivations et les désirs de l’enfant, de sa famille, ainsi que les objectifs proposés par l’équipe forment ensemble une constellation de soins que l’on souhaite adaptée à chacun à l’intérieur d’un système plus large.
Le thème de notre journée du 20e anniversaire souhaite revisiter les bases humanisantes et civilisatrices « des psychiatries institutionnelles » adaptées aux enfants et aux familles.
* Pierre Delion, Érès/Empan, 2014/4 n° 96, pages 104 à 112