Le deuil périnatal

Conférence avec Marie-José Soubieux [1], pédopsychiatre
et psychanalyste

Parler des bébés morts, pendant la grossesse ou tout
juste nés, n’est pas un sujet facile à aborder. Alors que le bébé occupe une
place centrale dans notre société, de façon paradoxale sa mort avant terme
reste un sujet tabou. La confrontation impensable
au double mystère de la vie et de la mort conduit souvent à transformer ce
non-avènement en non-événement.

Jeudi 12 février 09 de 13h45 à 16h00 à Bruxelles

 

Plus de douze années passées à l’Institut de
Puériculture et de Périnatalogie de Paris dans un service de diagnostic
prénatal (DPN) et de médecine fœtale m’ont fait prendre toute la mesure de ces
drames. C’est là que j’ai rencontré des parents effondrés après la mort de leur
bébé, qu’il s’agisse d’une mort fœtale in utero(MFIU)

[1]

ou
d’une interruption médicale de grossesse (IMG)

[2]

.

La mort prénatale a un impact sur toute la famille, les enfants aînés mais aussi les grands-parents
et les enfants à venir. Il s’agit d’un deuil bien
particulier, contraignant les couples, au-delà de leur douleur indicible, à
entreprendre un voyage psychique effrayant et totalement inédit. Comment
imaginer la mort à tout jamais de cet enfant tant attendu, rêvé depuis
l’enfance et disparu sans avoir vécu? Comment renoncer à celui qui devait
assurer l’immortalité et la continuité dans la chaîne des humains? Comment
supporter qu’il se dérobe au moment même du surgissement de la vie, en plein
« devenir parents », bousculant l’ordre des générations ?

Deuil bien singulier aussi au regard des réactions des
couples face à la perte de leur bébé. Cet enfant du dedans qui ne connaîtra pas
le dehors n’est pas toujours considéré comme un bébé.

Au delà des débats philosophiques et religieux, la
question du statut de l’embryon et du fœtus est avant tout celle de la
représentation qu’en ont les parents. Statut incertain, variable selon le
projet porté par le couple, lui-même en lien avec l’histoire personnelle, la structure psychique de chacun et le vécu de la grossesse. Pour
certains, il s’agit d’un bébé même à un terme très précoce de la grossesse,
pour d’autres il restera toujours un fœtus. Parfois il est réduit à rien ou à
un morceau de chair, parfois il peut devenir un monstre persécuteur. Les
techniques nouvelles viennent encore compliquer ces situations en bousculant le
rythme de la
parentalisation. A
12 semaines d’aménorrhées (SA)

[3]

on
peut déjà voir sur l’image échographique une miniature du petit d’homme.

Il va de soi que le travail d’élaboration de la mort du
fœtus doit prendre en compte tous ces éléments et ne sera pas le même pour
tous.

Deuil bien singulier également au regard des réactions
de l’entourage et de la
société. La
sollicitude et la compassion qui entourent habituellement les endeuillés
sont les grandes absentes de cet événement. Trop souvent encore l’indifférence
est de mise.

C’est précisément face à ce manque de reconnaissance
que les mères doivent garder en elles secrètement la mémoire vivante de leur
bébé mort.

C’est aussi sans
doute ce manque de reconnaissance qui a
conduit en France le 6 février 2008, la
Cour
de cassation à prononcer un arrêt qui permet la
déclaration à l’état civil d’un fœtus « né sans vie » quels que
soient son poids et la durée de la grossesse

[4]

. Si
cette nouvelle a semé le trouble dans la société, notamment dans les mouvements féministes
inquiets d’une possible remise en cause du droit à l’avortement, elle a eu le mérite de souligner la nécessité
d’un vrai débat autour de la question de la mort des fœtus et de la souffrance
des parents.

Cependant, imposer la reconnaissance d’un enfant sans
vie pourrait être d’une grande violence pour des couples qui ne l’ont pas
encore investi comme tel. Faire comme si l’enfant n’avait pas existé, ne pas
regarder cette mort en face, c’est peut-être leur seul moyen trouvé pour survivre à ce drame. Aussi est-il fondamental de considérer cette
proposition avec une grande prudence.

C’est tout cela que les équipes confrontées à ces
situations vont devoir appréhender. Soutenues par leur professionnalisme, elles
ne pourront cependant pas faire l’économie
de leurs émotions et des projections faites sur eux par les couples désespérés.
Le chagrin règne mais aussi la colère et l’hostilité. Comment accepter une
décision d’IMG alors qu’on s’apprête à donner la vie ? Mais aussi comment
y répondre sans se laisser détruire ? Comment permettre aux couples de
retrouver leur capacité de penser voire leur créativité psychique ?

Comment rester soi-même vivant en restant au plus près
des parents en souffrance, au plus juste de leur tempo psychique ?



[1] Marie-José Soubieux est pédopsychiatre
et psychanalyste. Elle exerce ses fonctions à l’Institut de Puériculture et de
Périnatalogie de Paris, au Centre de Guidance Infantile créé par le Pr Soulé et
dans le Centre de Diagnostic Prénatal et de Médecine Fœtale de la Maternité IPP-Necker.
Elle
est également psychanalyste d’adultes.

[1]

Mort spontanée du fœtus
après 12 semaines d’aménorrhée.

[2]

Grossesse interrompue par
décision médicale.


[3]

L’habitude consiste à
compter les semaines depuis les règles et à rajouter artificiellement quatorze
jours à la date de début de grossesse pour parler de semaines d’aménorrhée.

[4]

Ce n’est pas le cas en Belgique où la
législation prévoit un acte de déclaration d’enfant né sans vie (avec mention
de prénom(s) )
dans le registre des décès de l’état civil si la grossesse a atteint au moins
180 jours mais pas de mention dans le livret de famille.

Date de l'événement - Début /fin: 
Jeudi, 12 Février, 2009 - 14:45 - 17:00
Intervenant: 

Marie-José Soubieux , pédopsychiatre


Adresse de l'événement: 
Ministère de la Communauté française - Boulevard Léopold II, 44 (6ème étage - salle "Wallonie-Bruxelles" - 6A101)
Code postal: 
Lieu:  Bruxelles
Email: 
Téléphone: 
Organisateur:  yapaka
Adresse postale: 
Public cible: 
Conditions d'inscription: 

gratuite - inscription obligatoire

Remarques: 
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