« Enfant, j’ai eu la chance de m’ennuyer. J’ai donc dû apprendre à déployer des trésors d’imagination pour m’inventer des jeux et des passe-temps.
Un immense jardin entourait la maison. Il était planté de manguiers, de goyaviers et de papayers. Mon père était herpétologiste, c’est-à-dire spécialiste des reptiles. Dans tous les coins du jardin, il avait installé des cages avec des cobras, des vipères, des couleuvres et des pythons. Dans ce monde coloré, ma vie se déroulait lentement aux rythmes alternés des saisons sèches et des saisons des pluies. Je garde de ces jours immobiles le souvenir d’une période enchantée où j’ai pu remplir à ras bord le coffre-fort de mon imaginaire. L’ennui de mes après-midi d’enfance était un voyage où le temps m’appartenait, un espace où j’ai fabriqué d’immenses rêves, un monde sans commencement ni fin, comme une phrase qui s’achève par trois points de suspension… » (Gaël Faye)