Quelques points d’appui pour les professionnels de l’aide dans le contexte du Covid-19

Pendant cette période toute particulière, tous les professionnels de l’aide sont confrontés à des difficultés structurelles (un manque de moyens qui prend aujourd’hui une résonance particulière), mais sont surtout privés de leur outil de travail fondateur de la relation d’aide, éducative, de nursing,… la relation en présence de l’enfant, du jeune, du parent … Aussi, chacun est pris dans des mouvements émotionnels intenses, ambivalents liés aux difficultés à exercer dans un tel contexte.

Des mouvements émotionnels intenses

Les ressentis, en ce temps de crise sanitaire, peuvent paraître étranges, troublants voire nous envahir. La détresse rencontrée sur le terrain, les inquiétudes pour des situations déjà fragilisées nous renvoient à nos propres limites et suscitent des émotions singulières. Ressentir de l'impuissance et de la frustration à ne pouvoir mener à bien sa mission, aller de l’avant quand les repères habituels s’effondrent sont des mouvements qui nous bouleversent. A l'image de cette enseignante qui confie son désarroi face à l'anxiété des enfants qu'elle accueille, enfants qui sont inquiets pour leurs parents soignants, ou encore cet éducateur mobilisé par la gestion des tensions accrues liées au confinement dans un service résidentiel où vivent 30 enfants. Ce flot d’émotions traduit notre humanité, notre investissement à poursuivre notre mission, notre engagement à maintenir les liens.

A ces mouvements professionnels, s’ajoute la peur pour nos enfants, pour nos proches et pour nous-même : peur d’attraper la maladie au travail, peur de la transmettre à ceux que nous aimons, peur de la maladie, de la mort…. Aussi, plus que jamais, les partages en équipe autour de nos métiers, des nouvelles pratiques à mettre en place, mais aussi autour de la question de la peur et de la mort, sont essentiels pour élaborer les difficultés.

 

Des appuis

 

Là où la proximité est habituellement au cœur de nos pratiques sociales, pédagogiques, cliniques, là où le serrement d’une épaule, le toucher d’une main, le contact physique est l’un de nos outils pour amorcer le dialogue avec un adolescent, jouer avec un enfant, le temps est actuellement aux « gestes barrières » et à la distanciation sociale. Cette situation peut nous plonger dans un état de déliance, nous ne nous ressentons plus reliés au monde, aux autres, parfois même plus à nous-même. Comment alors rester engagé dans sa pratique, dans la relation ?

- la reliance

Cultiver le lien social aide à se mobiliser dans un esprit solidaire. Les expériences émotionnelles de chacun sont aussi influencées par nos affiliations. Nous sommes engagés dans nos identités professionnelles, auprès de collègues, coordinateurs, institutions, fédérations, autant de relais et de sources potentielles de soutien. Aussi, chacun de sa place professionnelle et citoyenne tient un rôle important pour maintenir et créer du lien entre les personnes et également entre les personnes et l’institution. Cette logique collective nous invite à nous appuyer sur les ressources des groupes et des communautés d’appartenance. Elle ne chasse pas l’importance du repérage des besoins individuels, mais elle les raccorde à tous ceux qui les partagent de près ou de loin, afin de créer un sentiment d’union là où l’événement peut venir instaurer le règne de l’isolement et de la défiance envers autrui. En effet, face à la peur émergent aussi des logiques de clivages entre les individus (l’assaut et les altercations dans les supermarchés) ou entre des catégories sociales (les jeunes qui seraient irrespectueux de la santé des ainés), logiques parfois accentuées par les médias et les réseaux sociaux.

- la continuité

L’enjeu est de contrer les ruptures par des pensées et des attitudes qui rassemblent, unissent et garantissent la restauration d’un environnement sur lequel s’appuyer. Au cœur de la crise, ce principe solidifie une cohérence dans les actions et favorise la cohésion de ceux qui les réalisent. Par la suite, le principe de continuité pourra guider la sortie de la phase de choc. Les acteurs du terrain réfléchissent alors à des actions qui permettent que le temps qui s’était arrêté, redémarre, que la confiance petit-à-petit revienne, et que le dérèglement laisse la place à l’organisation. Ce principe permet de nous guider vers un temps de transition. En effet, la reprise des habitudes ne veut certainement pas dire qu’il ne faille pas intégrer l’événement dans ce cadre quotidien ; l’aménagement de ce cadre facilite la continuité.

 

Faire réseau

Dans pareils contextes, la logique de réseau qui sous-tend habituellement nos pratiques s’ancre sur les mouvements de solidarité à l’œuvre en trouvant de nouvelles modalités notamment et de nouveaux moyens via les technologies. Notre créativité est mobilisée pour poursuivre notre mission en partenariat avec les autres professionnels et institutions.  

Les équipes spécialisées sont toujours présentes, même si les modalités de contact sont différentes, revisitées (téléconsultations, prise en charge par téléphone, etc.). Pouvoir venir s'appuyer sur d'autres professionnels, que nous connaissons déjà via des collaborations antérieures ou que nous rencontrerons à travers les nouveaux réseaux mis en place pour faire face à cette situation inédite, nous permettra de reprendre souffle, inspirera notre créativité professionnelle et diminuera le sentiment d’isolement.

 

Poser le cadre

En tant qu'éducatrice, enseignant, psychologue, travailleur social,... chaque professionnel pose un cadre de travail, spécifique et singulier, à son public. Ce cadre structure le temps et l'espace (comment être et faire ensemble dans une cour de récréation, une chambre de service résidentiel, etc.). Cette fonction de structuration et de régulation est rassurante pour les enfants et les adolescents. Grâce aux adultes garants de ce cadre, ils apprennent à intégrer et respecter les limites. Dans cette période de bousculement de tous les repères sociaux, nous pourrions être tentés de nous interroger sur la pertinence et la légitimité du maintien du cadre (Doit-il toujours y avoir des règles de conduite lorsqu’une enseignante donne un cours à distance à ses élèves ? Faut-il laisser tomber les règles autour des écrans dans un service résidentiel quand les enfants n'ont plus d'activités extérieures ? ...). Si le cadre n'est jamais inscrit dans le marbre (cette situation exceptionnelle conduit les professionnels à innover dans leurs mesures d'accompagnement), sa fonction reste primordiale. Reposer des balises quand tout vacille est une condition pour permettre à l’enfant, à l’adolescent, aussi à l’adulte de retrouver une certaine sécurité. Il est donc essentiel dans cette nouvelle modalité de liens que les adultes, dans leur place professionnelle, prennent un temps pour expliquer les codes et ce cadre nouveau pour tous.

 

Vos retours de professionnels de terrain

Nous vous invitons à nous faire part de vos questions relatives à vos pratiques professionnelles bousculées dans ce contexte particulier. Nous les relayerons auprès d’autres pour en réaliser quelques capsules vidéos.

N’hésitez pas également à partager vos ressources, vos idées et votre créativité pour maintenir le lien avec les enfants et les familles pendant cette crise sanitaire. Nous nous en ferons le relais via le site.

https://www.yapaka.be/contact

 

Pour aller plus loin

- Voir toutes les vidéos reprenant les questions que se posent les professionnels de terrain [Page régulièrement mise à jour] : https://yapaka.be/page/videos-ressources-pour-les-professionnels-covid-19

- Voir toutes les lectures qui soutiennent les professionnels dans leurs pratiques [Page régulièrement mise à jour] : https://yapaka.be/page/lectures-ressources-pour-les-professionnels-covid-19 

 

 

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