Qu’entendons-nous par maltraitance institutionnelle ?

Linares et Chapon-Crouzet précisent que la violence institutionnelle se produit par carence, insuffisance ou négligence, par exemple, quand les ressources disponibles ne sont pas suffisantes pour répondre aux problèmes ou apporter des perspectives de solution adéquates. Le nombre trop élevé de prises en charge, les listes d’attente, le débordement de travail et la précarité des équipements, qui affectent tant de professionnels, constituent des illustrations précipitant les maltraitances institutionnelles. Des dispositions légales, des fonctionnements d’institutions ainsi que certaines pratiques censées apporter aide, soin et protection à l’enfant peuvent devenir maltraitants, notamment lorsqu’ils ne respectent pas le rythme, les besoins et les droits de ce dernier et de sa famille.

Infiniment plus difficiles à caractériser sont ces autres situations où la maltraitance institutionnelle est véhiculée par des déformations idéologiques introduites par les professionnels, lorsque le contrôle prime sur les fonctions thérapeutiques et les empêche de s’exerce avec fluidité, efficacité et humanité. Il existe une maltraitance institutionnelle non palpable, diluée dans des décisions inappropriées, répétées, mais appliquées, faute d’autres solutions envisageables. Elle s’enracine dans l’impuissance face aux situations et dans la volonté d’agir des acteurs de terrain malgré l’absence de repères fiables.

Quoi qu’il en soit, nombre d’abus institutionnels sont le résultat d’environnements de travail stressants. Face au manque de places et de moyens engagés dans les structures, il y a un risque de banalisation de solutions coercitives. Le manque de formation adéquate des professionnels peut entrer en conflit ou nuire aux objectifs institutionnels […]. Dans ces configurations, le pouvoir sur les patients peut susciter des  velléités de contrôle et de signification, ce qui fait du stress un vecteur prédicteur de transgression dans les milieux institutionnels.

In Emmanuel de Becker, "La maltraitance institutionnelle en temps de crise", Temps d'arrêt 131, PP17-18, mars 2022

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