[Texte] Eduquer, une relation complémentaire entre l'adulte et l'enfant

Pour grandir, l'enfant a besoin de cohérence, de fiabilité et de repères. Fragile, il est également cet être pulsionnel, qui veut « tout tout de suite ». Ses parents et éducateurs, l’aident peu à peu à quitter cette position toute-puissante au bénéfice d’autres investissements : accepter de retarder le plaisir immédiat pour élargir son horizon. Cette frustration nécessaire va l’aider à devenir un être sociable.

L'autorité de l’adulte sollicitée à cette place engage une forme d'obéissance, de  « sagesse » qui traduisent sa connaissance du monde, une manière de transmettre la culture, le plaisir de vivre ensemble, le guide pour grandir.     

Tenir sa position d’adulte consiste alors à rester ferme sans crainte de perdre l’amour de l’enfant.

Du côté de l’adulte : tenir la limite
Pourtant, le rôle d’éducateur est souvent éreintant à répéter toujours la même chose. On se dit « il a enfin compris ». Oui, l’enfant a compris mais il lui est difficile de quitter le monde de la satisfaction immédiate. Le travail de socialisation exige de nombreux renoncements ; quel est le « bonus » que l’enfant trouve à temporiser son désir ? Il renonce d’abord pour ne pas déplaire à ses parents, puis, il gagne en autonomie ; il se construit dans ce va et vient entre les limites et l’intégration intérieure, pour découvrir le plaisir d’être dans la relation avec l'autre.

L'adulte occupe ce rôle de tuteur ; être à la fois celui qui apporte la sécurité, l'affection mais aussi des repères, une structure. Plus l'enfant est petit, plus il revient à l'adulte d'évaluer et de répondre aux besoins de l'enfant ; c'est le côté asymétrique de la relation adulte-enfant. L'enfant va venir se cogner, au propre comme au figuré, aux repères énoncés, à la structure établie autour de lui. Petits et grands, les enfants nous entraînent dans une forme de corps à corps, de confrontation, où l'adulte signifie la limite. L’enfant comme l’adulte peut éprouver la peur de perdre l’amour de l’autre ; « M’aimera-t-il encore si … ? Préférera-t-il son père si … ?  Qu’est-ce que les autres vont penser de moi si je lui refuse ceci ? …». Le risque pour la relation est éprouvé des deux côtés, mais c’est l’adulte qui tient la responsabilité du fil de la relation !

Du côté de l’enfant : tester la limite
Par ces comportements, l'enfant cherche à savoir s'il y a cohérence entre ce qui se dit et ce qu'il ressent, si la règle d'aujourd'hui est la même que celle d'hier, pour lui et pour les autres. Il cherche à cerner le monde dans lequel il vit. Cette expérimentation s'apparente fort à une forme de jeu. Pour l’adulte, l’éducation, c’est souvent dire, répéter, tenir le cap face à l'enfant, face au groupe (fratrie, classe..), occuper sa position d'autorité avec conviction. Quand l'enfant outrepasse la limite ou joue avec la règle, un acte doit parfois suppléer à la parole : une sanction, une mise à l’écart momentanée, une punition viennent signifier à l’enfant ce qu’il refuse d'entendre.

L'épreuve pour l'adulte est d'endosser provisoirement le mauvais rôle, celui qui limite, celui qui refuse. Quand la sanction tombe, l’enfant n'est pas étonné, il sait que cela fait partie du jeu ; l’enfant sait qu'il a dépassé les bornes, sans être prêt à le reconnaître. Malgré la colère de l'enfant, l'adulte doit rester solide et ferme dans sa position au risque de découdre ce qu'il vient de tisser.

Tenir une position d’autorité ne veut pas dire écraser l'enfant, l'humilier, mais bien lui laisser le temps de la réflexion. L'étape de la reconnaissance vient plus tard, sans que l'enfant ait l'impression d'avoir perdu ; chacun en sortira gagnant !

Et parfois sanctionner
Signifier une limite, par une mise à l’écart, par une sanction, c'est permettre à l’enfant de se cogner à un mur solide pour voyager de la colère à l'apaisement, des cris à la parole, de la révolte à l'intériorisation. C'est un temps d'arrêt et de recul, pour l’enfant comme pour l'adulte qui permet de ne pas être submergé par ses propres émotions. Risque pour l'adulte de perdre le contrôle, de clore le débat, par la force, en humiliant l'enfant ou en abusant de sa position dominante.

Quelle sanction ou punition choisir ? La punition aura plus d'effet si elle est en lien avec la bêtise et d’une ampleur proportionnelle à sa gravité. Une sanction trop forte ou trop émotionnelle peut nourrir un sentiment d'injustice et rater l'effet recherché. Elle aura aussi plus de poids si le délai de réaction est court, surtout pour les petits et si elle émane de l'adulte présent. Toutefois, si l’émotion est trop forte, si la colère trop présente dans le chef de l’adulte, l’appel à un tiers (l'autre parent, un collègue) permet d’éviter des débordements contre-productifs.

L’adulte doit pouvoir dire et faire ressentir la limite à l’enfant. Confier « le sale boulot » à un autre pour préserver une bonne relation est un aveu d'impuissance face à l'enfant qui le repère vite et rentre dans la brèche ! Un comportement inadéquat non sanctionné signifie pour l'enfant une autorisation implicite qui encourage cette manière d'être !

La cohérence éducative passe aussi par le respect par l’adulte des règles édictées qui le concernent également.

Share

 Imprimer la page

Pages qui pourraient également vous intéresser

Jonathan, 7 ans, fait sa valise. Demain il part en classes vertes avec l'école. Mais sa maman nʼa...

[Texte] Les limites aident à grandir

Dès sa naissance, l’enfant a besoin d’un cadre et de limites autant que de liberté et d’autonomie. Cette réalité de limites et de frustrations se prolonge tout au long de la vie. Elle s’impose entre...
Share