[Texte] Quand on demande aux professionnels de prendre position dans un conflit familial

Il arrive que dans un contexte de crise ou de séparation parentale, un parent  demande une attestation à l’école (mais aussi la crèche, la garderie,…) actant de l’attitude de l’autre parent : il (ou elle) ne vient pas aux réunions de parents, l’enfant n’a pas de collation quand il vient de chez lui (elle), elle (il) ne s’est pas présenté(e) à la consultation des nourrissons… Les avocats ne sont pas toujours étrangers à cette insistance, ils savent que ces pièces peuvent être déterminantes dans un dossier judiciaire.

Rester hors du conflit
Ces demandes adressées à la puéricultrice, à l’enseignant voire même à la direction embarrassent les professionnels qui ne savent pas toujours que dire d’autant qu’ils sont parfois engagés dans un lien de confiance avec le parent demandeur voire avec l’autre parent. En fait, la réponse négative doit venir de l’institution, du cadre clair qu’elle met en place, cadre sur lequel peut s’appuyer le professionnel sollicité qui en est le porte-parole. Et, même si cette position de refus n’est pas facile à soutenir, l’institution se doit de ne pas intervenir d’une quelconque manière dans les conflits parentaux, quelle que soit la réalité perçue de la famille en question.

D’abord, il faut être conscient que cette réalité n’est que partielle : un parent qui ne s’occupe pas de la scolarité de son enfant peut jouer indirectement un rôle capital dans son parcours scolaire, par exemple en renforçant l’estime de soi de son fils ou de sa fille, par d’autres activités, par un regard bienveillant qui l’aide à se construire. Ce que la société attend d’un « bon parent » (qu’il ait des contacts réguliers avec l’école, qu’il arrive à l’heure pour le rechercher à la crèche,…) est très codifié. En être conscient aide à prendre du recul par rapport à la demande de l’autre parent.

De plus, la clinique de la petite enfance nous rappelle que l’enfant établit des liens différents à ses deux parents  C’est à partir de cette complémentarité que l’enfant se construit. Tenir compte de cette diversité des places prend en compte que l’enfant a besoin de plusieurs adultes pour grandir et que la parentalité voire l’éducation est toujours plurielle.

Un espace neutre
Mais aussi, quelle que soit la situation familiale, il importe que chacun des parents, ainsi que l’enfant, sachent que l’institution ne prendra pas parti, qu’elle garantit un cadre neutre en son sein. Ainsi, elle informera équitablement les deux parents sur le déroulement de la scolarité de l’enfant (ce qui est d’ailleurs une obligation légale). Par exemple, elle enverra les bulletins, sur demande, au père qui n’a plus de contact avec sa fille adolescente. Dans tout désaccord parental, si l’institution (ou un de ses représentants) prend parti ou accorde une place inégale à un des deux parents, elle se disqualifie comme lieu de neutralité.

Ce cadre préservé permet à l’enfant de se dégager au mieux du conflit pour occuper sa place d’enfant au sein de l’institution. Etre à l’écoute de l’enfant avec une certaine empathie lorsqu’il vit des moments difficiles à la maison, n’empêche pas de l’inviter, avec bienveillance, à laisser son lourd paquet à la porte de l’institution quand il y entre. Ce n’est parfois pas facile, ou pas réalisable, mais une position calme et compréhensive du professionnel peut aider l’enfant à se replacer plus facilement dans une position de développement et/ou d’apprentissage. Il convient de penser à l’enfant comme sujet dans l’institution:

Dans le cas d’une enquête sociale demandée par la justice, l’institution collabore bien entendu en communiquant les informations factuelles et ses observations au bénéfice de l’enfant. Cette collaboration s’inscrit alors dans un autre cadre que le différend parental ou familial.

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