Médée, Saturne, la Belgique, les enfants... par Paul Hermant

Billet invité - Chronique originale sur la RTBF - La  Première - 23 mai 2012

Décidément : ce que la Belgique fait de ses enfants… Le jour même où la presse critique, le plus souvent positivement d’ailleurs, le film de Joachim Lafosse inspiré par l’affaire Lhermitte et présenté hier à Cannes, voilà que nous avons à retenir un nouveau prénom : "Diana" et un âge, quatre ans. Et le reste, les restes, un surgélateur.

Et voilà aussi qu’un rapport surgit le même matin. Il vient de l’Unicef et indique placidement qu’un quart des enfants de Belgique risquent la pauvreté et l’exclusion. On lit cela. On dit cela. On ne compare rien, on ne met rien en parallèle. On relève juste une perspective.

Et on note, c’est tout, le surgissement des enfants encore et toujours et cette rage qui nous habite de devoir à chaque fois pleurer des victimes — ou bien accidentelles ou bien égorgées ou bien découpées ou bien violées —, tant il semble que dans le fleuve nous ne regardons jamais que l’aval. Entre le fait divers et la justice sociale, à qui accorder le plus de temps d’antenne, je vous le demande. Poser la question est y répondre. Ne pas la poser aussi, malheureusement.

Un peu plus de 23% d’enfants et de mineurs — des jeunes quoi — sont donc en voie et en cours de paupérisation économique et de précarisation sociale dans un pays où par ailleurs, une étude —de l’OCDE — vient de nous dire qu’il fait bon vivre et qui —entre nous soit dit — mange largement tous les ans sa petite planète et demi, c’était un autre rapport, celui du WWF, qui le précisait récemment.

Mais n’est-ce pas la même chose, finalement, de dévorer l’avenir des générations futures que de les décimer tout de suite, tant que nous les avons sous la main, et de les envoyer fissa dans les contreforts de notre confort ?

Il est sûr que l’on reparlera de Médée à propos de cette mère infanticide de Châtelineau. Tom Lanoye a fait là-dessus une pièce pleine de fureur : on devrait la revoir. Mais Saturne aussi a tué ses enfants. Il les a mangés afin précisément de préserver sa position au classement du " bon vivre " : ils auraient pu vouloir sa place, lui gâcher son plaisir, vouloir leur part d’avenir. C’est pourquoi il les a croqués, les a mâchés, les a avalés et les as digérés : un tableau de Goya en témoigne encore.

Il faudrait l’afficher sans doute dans tous les supermarchés du pays. Comme on le fait avec les alertes de Child Focus. Allez belle soirée et puis aussi bonne chance.

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