Une majorité sexuelle à 14 ans ? Au profit de qui ?
Certain voudraient voir abaisser l’âge de la majorité sexuelle de 16 à 14 ans. Qu’en penser au regard de l’intérêt des jeunes ?
Que dit la loi ?
Rappelons tout d’abord qu’à la différence des adultes, pour le jeune de moins de 18 ans, c’est le juge de la jeunesse qui est compétent.
En résumé, la loi actuelle dit que tout rapport sexuel avec un mineur de moins de 14 ans constitue un viol, quelque soit l’âge de l’auteur de la pénétration sexuelle.
Entre 14 et 16 ans, un rapport sexuel constitue un attentat à la pudeur (et en tant qu’acte d’une certaine gravité, susceptible de poursuites).
Dès 16 ans, le jeune acquiert la « majorité sexuelle », à savoir qu’il peut consentir valablement à un rapport sexuel.
Abaisser l’âge ?
Certains souhaitent abaisser l’âge de la majorité sexuelle à 14 ans argumentant qu’il arrive que des adolescents aient déjà des relations sexuelles avant 15 ans. Bien entendu, ce cas de figure arrive, mais force est de constater que les études indiquent qu’il n’y a pas d’évolution de l’âge moyen du premier rapport depuis une trentaine d’année (16 ans et 8 mois). Un autre argument des tenants de cette proposition souligne qu’il faut davantage coller à la réalité et à la vie sociale des jeunes d’aujourd’hui baignés dans un environnement hypersexualisé. D’après eux, il faudrait dès lors abaisser l’âge de la majorité sexuelle pour « coller » à cette nouvelle réalité.
Une loi doit-elle se baser sur l’âge des premières fois pour régler les questions de majorité ? Doit-elle suivre le ton donné par l’environnement économique et sociétal sans prendre en compte les questions liées au développement même d’un adolescent ? En sera-t-il de même pour ce qui relève de la consommation d’alcool, de tabac et des jeux d’argent ?
Il nous parait important d’éviter tout débat moral. En effet, même s’il est évident que deux jeunes peuvent découvrir une sexualité de manière respectueuse avant 16 ans, il nous semble cependant nécessaire de penser ces questions législatives au regard de la place des adultes face au développement des adolescents. En d’autres termes : que « disent » les adultes aux adolescents en prenant ce type de disposition législative ?
L’adolescence, moment de flottement nécessaire à la construction
L’adolescence est un moment de tâtonnements, de construction. Les jeunes sont en pleine quête d’identité, de curiosité, de la rencontre intime avec l’autre, de questionnement sur ce que lui veut l’autre (adulte ou pas), d’interrogations sur ce qu’est un adulte, de remaniement de leur histoire,...
Ce temps d’exploration flirte avec les limites et la prise de risques.
Entre deux frontières (14 et 16 ans), la loi organise un temps intermédiaire, période durant laquelle le juge peut sanctionner. Cette période transitoire (arbitrairement fixée ; ce pourrait être 13-15 ou 15-17) correspond bien aux flottements de l’adolescence, tout comme la mission de jugement confiée au magistrat indique bien que les choses ne peuvent être tranchées de manière binaire.
Par ailleurs, l’adolescence est également l’âge des tentatives de séductions en ce compris vis-à-vis d’adultes. Ce qui implique que les adultes, face à ces adolescents, aient bien intégré la place de chacun et soient au clair avec ce qui constitue une transgression générationnelle.
Se protéger...
Sur leurs t-shirts ou sac à dos, dans leurs humeurs sur le web,... les adolescents affichent clairement leur revendication : « YOLO » (You only live once) ! Mais dans la confidentialité d’une consultation ou l’anonymat d’un forum d’internet, certains avouent également combien ils peuvent s’appuyer sur cette limite de la majorité sexuelle pour dire non quand ils ne souhaitent pas aller plus loin.
Ainsi, la limite de 16 ans leur permet de refuser un rapport sexuel tandis qu’une limite rabaissée à 14 ans indiquerait une autre « normalité ». Et ceci à un âge où le consentement risque d’être encore plus soumis à séduction ou emprise, et ce plus particulièrement pour les jeunes les plus vulnérables.
... et être protégé par les adultes
La protection des adolescents est rendue possible car les adultes « prennent sur eux » de décider des frontières en deçà desquelles les adultes, les professionnels et plus globalement la société est responsable et donc chargée de protection.
Abaisser ces frontières, qu’il s’agisse de majorité sexuelle ou pénale, constitue toujours une option dans laquelle les adolescents doivent, de plus en plus jeunes, assumer une responsabilité qui ne correspond pas toujours à l’état de leur développement.
Dans ce sens, la législation actuelle est sans doute la moins mauvaise option. Il n’y a pas de raison de la modifier, au contraire.
Par ailleurs, il reste important de soutenir les politiques d’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS).