Deux récentes campagnes de Child Focus ont amenés de nombreux responsables à poser des questions quant aux missions et pratiques de cet organisme.
Une première campagne invite les jeunes qui seraient abusés à chatter avec Child Focus. Cette initiative donna lieu à une carte blanche dans Le Soir, une analyse détaillée de Jean Blairon et Jacqueline Fastrès, des débats dans la presse ainsi que des interpellations parlementaires.
Une seconde campagne, fait appel à des acteurs porno pour sensibiliser les internautes et dire “stop à pornographie enfantine”. Cette initiative suscita également de nombreux débats, interventions d’experts et vives réactions de la Ministre Evelyne Huytebroeck ainsi que de son son homologue flamand Jo Vandeurzen. On lira avec intérêt la seconde analyse de Jean Blairon et Jacqueline Fastrès, Child Focus, l’obscénité et la Sensure
Suite à toutes ces interpellations, Child Focus déclare vouloir trouver un terrain d’entente avec les responsables de la Fédération Wallonie-Bruxelles. On ne peut que s’en réjouir, la cause des enfants a bien besoin de toutes les forces vives. Afin de construire cette collaboration, un certain nombre de points nécessitent d’être éclaircis
Les missions de Child Focus visent à
- Apporter un soutien opérationnel aux enquêtes de disparition et d'exploitation sexuelle d'enfants.
- Prévenir et lutter contre les phénomènes de disparition et d'exploitation sexuelle d'enfants.
La création de Child Focus est à replacer dans le contexte de prédateurs isolés ou en réseau, enlevant des enfants dans le but de leur exploitation sexuelle. C’est dans ce sens que lui fut confiée sa mission, formulée grâce à la conjonction de coordination “et” (disparition et d'exploitation sexuelle d'enfants.).
Depuis lors, les activités de Child Focus se sont dispersées du double effet de la suppression de cette liaison ainsi que par l’extension de chacun de ses termes:
- disparition
- exploitation sexuelle
- enfants (Child Focus traite de disparition de jeunes jusqu’à l’âge de 24 ans)
En ce qui concerne les disparitions, il apparaît que plus de 95% d’entre elles concernent des fugues, enlèvements parentaux, situations de mineurs étrangers non accompagnés (MENA).
- 1. Comment Child Focus en est ainsi arrivé à sortir de ses missions?
- 2. Comment Child Focus pense sa collaboration avec les instances mandatées pour intervenir dans les situations de fugues, enlèvements parentaux et MENA?
- 3. Comment Child Focus pense sa collaboration avec les organismes d’aide à la jeunesse chargés d’intervenir auprès des jeunes en difficultés, susceptibles de faire des fugues?
- 4. Un affichage excessif d’avis de disparition nous semble anxiogène car il laisse croire aux parents qu’il est fréquent que les enfants sont la proie de prédateurs sexuels. Qu’en pense Child Focus?
En ce qui concerne l'exploitation sexuelle,
- 5. Comment comprendre que Child Focus ait étendu cette notion à tous les abus, y compris de proches ou de membres de la famille?
- 6. Nous pensons qu’il n’est pas judicieux de semer dans l’esprit du grand public la confusion entre “abus sexuel” et “exploitation sexuelle”. Ce sont des faits différents qui nécessitent des traitements différents. Qu’en pense Child Focus ?
- 7. Récemment, Child Focus a lancé une campagne visant à proposer aux jeunes de dévoiler leur abus via un chat. Dans la mesure où il y a un risque de décompensation lors d’un dévoilement, nous pensons qu’il faut toujours privilégier un contact réel (et pas anonyme) avec un intervenant. Quelle est la position de Child Focus à ce propos?
- 8. Le lancement de ce chat s’est fait sans aucune concertation, ni même information, avec les structures officiellement mandatées en la matière. Dans ce cas, comment mettre en place une collaboration?
- 9. Child Focus veut jouer le rôle de point de contact central pour le dévoilement d’abus sexuels. Comment Child Focus peut-il jouer un rôle de relais et collaborer avec les structures de prise en change sans concertation, notamment sur les mécanismes de dévoilement que la Fondation crée ?
En ce qui concerne l’usage d’internet, les instances de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont défini une politique qui vise à promouvoir l’apprentissage d’Internet (ses bénéfices et règles de prudence) intégré au cursus scolaire et à refuser toute démarche qui prend appui sur les risques et angoisse parentales. Dans ce sens, il a été explicitement précisé à Child Focus qu’il n’était pas indiqué que des services en charge de la lutte contre la pédophilie et la pédopornographie se chargent d’éducation à Internet. Indépendamment de la qualité des animations, ils se situent inévitablement dans une dynamique qui prend la peur pour levier, ne fût-ce que par le message implicite que leur objet social délivre.
- 10. Comment comprendre que Child Focus poursuive ces animations (sous des titres tels «Les dangers de l'internet ») en opposition avec la politique officielle de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
En ce qui concerne la pédopornographie, la récente campagne qui fait appel à des acteurs pornos pose de nombreux problèmes. Certains propres à la campagne, d’autres à ce domaine d’activité.
- 11. Au même titre que PussyKat déclarant “Je suis star du X. Le porno, c’est mon métier, j’aime ça”, la campagne présente la pornographie comme une activité comme une autre. Entre tolérance et quasi promotion, il y a une marge incompréhensible : la pornographie est non seulement le lieu d’un business mafieux, qui souvent exploite sexuellement les femmes, mais constitue aussi une source nocive d’éducation sexuelle d’un nombre croissant de jeunes à qui il est justement important de dire que cela ne représente pas la réalité des relations affectives. Comment comprendre que Child Focus se serve de la banalisation du porno pour lutter contre la pédopornographie?
- 12. Dans l’état actuel des choses, Child Focus croit-il que le public confond pornographie et pédopornographie?
- 13. Une des catégories de la pornographie joue sur les fantasmes d’inceste; dans d’autres, des jeunes filles - sans doute majeures (dont PussyKat) - sont présentées comme teenager ou écolières... Avec l’évolution des images de synthèse on peut s’attendre à voir prochainement des images, qui dans la suite des hentai et autres lolicon, permettront la diffusion de scènes pédopornographiques très réalistes sans qu’aucun enfant ne soit abusé. Quelle réflexion porte Child Focus sur ces phénomènes, sur ces frontières entre pornographie et pédopornographie, entre fantasmes et réalité?
- 14. Depuis la démocratisation des smartphones, de nombreux adolescents filment leurs relations sexuelles, leurs activités lors de soirées « no limits » ou se photographient, nus, devant leur miroir pour ensuite poster ces images sur Internet. Ceci pose de nombreux problèmes (que l’on n’abordera pas ici) mais il faut bien reconnaître que, la plupart du temps, c’est volontairement que ces adolescents publient ces pages. Child Focus considère-t-il ces contenus comme pédopornographique à signaler ?
- 15. Le communiqué de presse de Child Focus indique que “Les citoyens qui, en surfant sur Internet, découvrent par hasard des images d’abus sexuels présumés sur des enfants peuvent les signaler”. Si, sur Internet, on peut très facilement tomber involontairement sur des images pornographiques, notre expérience indique qu’on ne découvre pas par hasard sur des contenus pédopornographiques. D’autres sources vont dans le même sens: Tomber ‘par hasard’ sur des contenus pédophiles de nos jours en surfant sur le web est une vaste plaisanterie, à moins que la nécrophilie ou la zoophilie ne fassent partie de vos recherches quotidiennes sur internet, cela n’a aucune chance de vous arriver ‘par hasard’. écrit Fabrice Epelboin(1), qui donne également des éléments de compréhension indiquant à quel point la seule solution pour arrêter de tels criminels est de suivre la piste de l’argent, tout autre voie est considérée comme n’ayant aucune chance de succès Que Child Focus peut-il nous apprendre sur cette question?
- 16. Child Focus déclare avoir reçu en 2011, 1 479 signalements de pédopornographie présumée, soit une augmentation de 9 % par rapport aux 1 320 signalements de 2010. Combien d’entre eux l’étaient effectivement ? (En France, en 2011, sur 2.823 sites déclarés pédopornographiques, 477 (17%) le ensuite furent qualifiés officiellement). Ces signalements proviennent de combien d’internautes différents? Quelle est la proportion de contenus inconnus de la police?
- 17. Dans le cadre de ces signalements, en quoi Child Focus apporte-t-il une plus-value à un signalement direct auprès d’un service de police?
En ce qui concerne les collaborations, Child Focus déclare vouloir collaborer avec les instances de la Fédération Wallonie-Bruxelles. A l’inverse, celles-ci ont le sentiment de n’être invités qu’à des réunions sans enjeu ou sans suite et d’être chaque fois mises sur le fait accompli d’initiatives qui, souvent, sont en contradiction avec les politiques officielles ou source de confusion voire d’angoisse dans l’esprit du public.
- 18. Quel mécanisme de collaboration Child Focus propose-t-il?
(1) Confession d'un pédophile, l'impossible filtrage du web - In libro veritas 2010