Ne laissons pas les écrans faire écran

Ne laissons pas les écrans faire écran
Ecrans et smartphones appartiennent à notre quotidien y occupant un espace important. Les développements technologiques nous poussent à être connectés en permanence. On gère notre compte en banque, les tâches administratives, mails, on partage nos vies, on reçoit des photos de nos proches, on regarde ce que d’autres partagent, on scrolle sur les réseaux… notre attention est continuellement captée par l’écran et les innombrables notifications reçues.

Si ces dispositifs technologiques ont toute une série d’avantages pratiques, ils nous engagent parfois à décrocher de la vraie vie. Les interactions humaines et plus particulièrement, les relations entre adultes et enfants peuvent pâtir de cet objet envahissant et des incessantes interruptions provoquées par les appels, les notifications... Comment penser nos liens dans ces nouvelles configurations ? 

1001 raisons peuvent river les parents à leur téléphone en présence de l’enfant : vie professionnelle envahissante, gestion domestique, scolaire, mais aussi ennui, fatigue voire même difficultés relationnelles avec l’enfant… le téléphone devenant alors refuge, fuite, mise en pause du réel.

La technoférence ?
La technoférence se définit comme les multiples interruptions quotidiennes dans les interactions en face-à-face en raison de dispositifs technologiques. Si la technoférence existant entre adultes est une chose, celle qui se déroule en présence d’enfants doit nous questionner. Car pour grandir l’enfant a besoin de continuité, d’une attention conjointe, de la pleine présence de l’adulte qui s’ajuste à ses besoins, à ses émotions au moment où celles-ci émergent. Nos mimiques faciales sont ainsi ajustées à ce que nous vivons l’un et l’autre en miroir. Les mots de l’adulte traduisent la réalité que vit l’enfant dans un «oh tu es triste/fâché/…» lui permettant ainsi d’y prendre appui pour grandir, porté par cette attention, cette reconnaissance, cette nomination des mouvements, nouveaux ou pas, qui le traversent.

Des chercheurs ont montré que lorsqu’un adulte est sur son smartphone en présence d’un enfant, sn attention est flottante, il lui parle moins, utilise moins de vocabulaire, et, en retour, l’enfant parle moins également. Lorsque ces situations se répètent au quotidien, que les échanges entre adulte et enfant s’appauvrissent, les impacts sur l’enfant se mesurent au plan neurologique, affectif, cognitif notamment au niveau du langage, de l’estime de soi… En effet, lorsque l’adulte répond systématiquement aux appels, réagit continuellement aux notifications et coupe en permanence le lien, le dialogue, l’attention portée à l’enfant, cela peut rapidement lui donner l’impression que le monde extérieur a plus d’importance, de valeur que lui.

L’utilité de penser notre lien à la technologie
Pourquoi est-ce si difficile de se séparer de ce smartphone ? Quelle place cet objet vient-il occuper ? Pourquoi cet usage réflexe lors de chaque bref moment « liquide », d’attente ? Se poser ces questions, échanger avec d’autres sur nos pratiques quotidiennes, nous engage à prendre conscience de nos (més)usages et à une (petite) prise de distance face à ces automatismes. 

Ainsi, chacun à son niveau imagine des astuces pour limiter ces interférences dans les liens parents-enfants : privilégier une utilisation du smartphone lorsque les enfants sont au lit ou s’occupent seuls, désactiver les notifications pendant les repas pour privilégier les échanges et éviter que l’attention ne soit détournée au moindre bip, déposer le téléphone à distance  dans les moments de nursing (biberon, bain…) ou de jeux avec l’enfant pour ne pas se laisser interrompre… Parfois, lorsque l’adulte se laisse interrompre systématiquement par son smartphone et y passe de longs moments, malgré la présence de son enfant, cela peut traduire une difficulté dans sa parentalité, le téléphone devenant un objet refuge. Dans ces cas-là, l’aide d’un professionnel peut s’avérer nécessaire pour mieux comprendre ce qui se joue.

Les écrans dans la sphère professionnelle
Dans les crèches ou en classe, ce phénomène d’interférence relationnelle peut également s’observer. A titre personnel, une puéricultrice, un animateur ou encore un enseignant peut être tentée de regarder son smartphone pour avoir des nouvelles de ses proches, répondre à un message ou prendre un appel. . Cela impacte les enfants car ils sont face à des adultes à l’attention flottante voire indisponibles à eux, ne répondent plus à leurs sollicitations, leur attention étant portée sur l’écran.

Cette question de l’utilisation du téléphone personnel sur le lieu de travail devrait toujours faire l’objet de discussions en équipe. Les professionnels souhaitent être connectés eux aussi… mais comment faire en sorte que cela n’interfère pas, n’impacte pas leur présence aux enfants, leurs missions.

Quelle utilisation des écrans par les enfants ?
Outre la technoférence, les enfants sont de plus en plus tôt et de plus en plus fréquemment sur les écrans : pour les faire patienter dans une salle d’attente, dans les transports mais également pour les garder calmes quand on cuisine, range. Si, après 3 ans, passer du temps sur un écran n’est pas un problème en soi, de plus en plus d’experts de la communauté scientifique et éducative s’accordent sur certains points de repères en fonction du développement cognitif, corporel, social, développemental des enfants et de leurs besoins : pas d’écran avant 3 ans,…

Les adultes doivent continuer à se mobiliser, à s’intéresser à ce que font enfants et ados sur leurs écrans qui sont aussi un lieu de vie. Rester disponible, ouvert, permet aux enfants de mettre des mots sur ce qu’ils voient et développe leurs capacités à raconter. Ce dialogue continu autour des écrans permet également aux enfants de savoir qu’en cas de problème (images pornographiques, violentes, harcèlement…), ils peuvent en parler à tel ou tel adulte sans être disqualifié.

Limiter le temps d’écran à des moments précis et en fonction de l’âge des enfants, privilégier leur utilisation aux espaces collectifs, hors des moments de repas, pas le matin ni avant de dormir sont autant de balises qui vont accompagner l’enfant dans sa pratique des écrans. En outre, diversifier les activités proposées aux enfants, maintenir des temps de jeux libres et aussi des temps d’ennui, de repos, de lecture… permet aux enfants de développer leur créativité, leur capacité d’être seul et de garder une utilisation ludique et parfois très récréative des écrans.

 

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