L’angoisse fait partie de la constitution du développement psychique, elle est un affect qui traduit un état de malaise dont l’origine n’est pas consciente.
Au début de sa vie, par exemple, le nourrisson n’a pas encore conscience de sa propre individualité. Dès lors, quand il perd de vue sa mère, il ne se représente pas qu’il va la retrouver; ce qui peut lui faire vivre une douleur psychique intense : celle de la perte. L’angoisse, c’est la réaction au danger que cette perte comporte.
Dépasser cette angoisse, c’est expérimenter la réalité : ma mère n’est pas toujours là, je suis triste, j’ai peur, je suis fâché…. Mais l’enfant apprend peu à peu qu’elle n’a pas disparu totalement, qu’il va la retrouver.
Faire cette expérience est un travail émotionnel/psychique considérable qui prend beaucoup de temps. Durant cette période, quand sa maman s’éloigne, le bébé peut avoir pour elle des pensées et des fantasmes agressifs qu’il ressent comme dangereux et destructeurs. Comme si le bébé, dans ses pensées, « attaquait » cette maman qui le laisse sans elle. Cette situation peut faire vivre au bébé de véritables sentiments de désespoir rendant la présence de la mère nécessaire. C’est ce qu’on appelle communément « l’angoisse des 8 mois » ; mais qui démarre bien avant, pour culminer, généralement, vers 8 mois.
Chacun va éprouver, au fil de son développement, différentes angoisses inévitables qui sont, dans les meilleurs des cas, autant d’occasions de se construire. Les angoisses archaïques du nourrisson (cf. vécus de chutes, de morcellement…) correspondent au vécu de ne pas se sentir bien tenu, en sécurité… Plus tard, apparait la peur de l’étranger qui est liée aux angoisses de séparation, et enfin le complexe d’Œdipe (conflit du désir et de l’interdit face aux deux figures parentales).
L’angoisse est un affect normal.
Etre angoissé est une réaction normale face aux enjeux inévitables de la vie. Ce que l’enfant vit est de se sentir menacé dans son existence et dans son intégrité par des dangers, aussi bien ceux du monde extérieur que ceux de son monde interne. Chaque enfant a ses propres fragilités : pour l’un ce sera au moment d’un décès que l’angoisse surgira, pour un autre ce sera lors d’un accident, de l’arrivée d’un frère, d’un changement d’école, de la séparation des parents, ou de « faits divers » plus ou moins graves autour de lui… tout ce qui vient se heurter à la fragilité émotionnelle et/ou l’immaturité affective de l’enfant.
L’angoisse signale un débordement dans l’équilibre émotionnel, mais aussi une difficulté (au pire un refus) de s’approprier, d’intégrer, de symboliser le caractère douloureux, traumatique d’une situation.
Dans de tels moments, il est très important que l’environnement, les adultes qui entourent l’enfant, puissent remplir un rôle soutenant qui fera que cette expérience bousculante puisse être dépassée, digérée émotionnellement.
Accueillir les questions de l’enfant, nommer ce qui le trouble, reconnaître le caractère douloureux d’une expérience, montrer à l’enfant qu’on partage ses questions et la façon dont on est parvenu à s'en sortir (voire même à vivre avec certaines questions non résolues) sont des occasions d’apprendre à « faire avec » les angoisses de la vie, c’est-à-dire aider l’enfant à grandir…
L’enfant pose des questions en fonction de son niveau d’angoisse ; il est important qu’il rencontre des adultes qui vont accepter ses questions sans les rejeter. Nul n’est obligé d’avoir réponse à tout et il est plus important de se trouver face à un parent qui répond authentiquement plutôt qu’à un adulte qui dénie ou qui rassure à tout prix. Cette angoisse peut être l’occasion d’un partage de réalité (cf. « moi aussi la mort ça me fait peur »), une mise en mots, une prise de conscience, voire un soulagement.
L’inquiétant c’est quand l’enfant reste seul avec son angoisse, quand il la garde pour lui, soit parce qu’il n’ose pas en parler, soit parce qu’il ignore lui-même ce qui le perturbe. Il ressasse seul son scénario d’angoisse au risque d’en être submergé. Apparaissent alors des symptômes (des comportements anxieux, de l’agitation, des phobies, des retraits, des cauchemars…) par lesquels l’enfant montre qu’il est angoissé sans même le savoir ou en connaître les raisons.