(Ce texte est paru dans La Libre le 14 mars 2008)
Périodiquement, la presse relate un cas d’infanticide lequel paraît encore plus difficile à comprendre quand il est le fait de la maman. Chaque situation est unique et il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’un ou l’autre cas. Il est cependant possible de donner quelques pistes qui peuvent éclairer de tels événements et les relier à des situations très simples de la vie quotidienne.
Au cours de la grossesse, la plupart des femmes entrent à peu dans un état tout à fait particulier qui va leur permettre d’entrer en relation avec leur bébé. Cet état, que l’on nomme préoccupation maternelle primaire, est la proximité qui permet à la mère de comprendre son enfant malgré que celui-ci ne parle pas. Ainsi, la maman peut mieux décoder pleurs et babillages et apporter à l’enfant les soins nécessaires à ses besoins. Cette proximité, cette layette psychique aide également l’enfant à se construire un sentiment de sécurité qui, étayé par l’environnement familial et social, constitue la fondation sur laquelle il pourra s’appuyer toute sa vie durant.
Au fur et à mesure du développement de son enfant, la mère va l’aider à se séparer d’elle afin qu’il puisse s’ouvrir au monde. L’enfant va ainsi peu à peu réaliser que sa maman n’est pas toute à lui. En, effet, portant également son regard vers son conjoint, vers son travail, vers la vie sociale,… elle introduit quelque chose entre son enfant et elle. Ce tiers permettra à l’enfant de peu à peu porter son propre désir hors de la famille.
En lien avec son histoire, la maman a parfois des difficultés pour introduire cet espace entre elle et son enfant. La plupart du temps elle y est aidée par l’entourage, son conjoint, la famille et l’organisation sociale, la crèche par exemple. Mais il peut arriver que ce ne soit pas le cas et que l’enfant reste tout pour sa maman ou encore que celle-ci soit en peine de le laisser prendre son autonomie. Ces situations peuvent entraîner plusieurs type de difficultés ; dans le langage courant on parle de cordons qui ne sont pas encore coupés ou des mères qui étouffent leur enfant. Celui-ci peut développer une personnalité de façade, voire s’effacer, ne pas exister psychiquement parlant. Cheminer à plusieurs donne de l’air tandis qu’une relation duelle pousse au duel, enferme, éteint…
Parmi ces situations, les plus extrêmes aboutissent à l’infanticide. Dans ce cas, la maman particulièrement perturbée ou déprimée n’imagine pas comment elle pourrait laisser vivre son enfant, sans elle, dans un monde aussi moche que celui qu’elle voit au travers de sa dépression. Alors, dans un geste qu’elle peut même considérer comme un acte d’amour elle mettra fin à la vie de son enfant plutôt que de lui faire endurer la triste vie qui l’attend, pense-t-elle..
D’autres cas, plus rares encore, ressemblent au personnage de Médée laquelle a tout sacrifié pour l’homme qu’elle aime, mais celui-ci en vient un jour à la trahir. La fin de leur vie commune correspond à la fin de sa vie à elle, tout comme elle reprend les enfants qu’elle lui a donné. La langue française étant bien étrange sur ce point : la mère donne naissance, l’épouse donne une enfant… Ce pouvoir extraordinaire a son terrible envers.
La place des adultes face aux questions des enfants.
Au moment où un infanticide fait la une de l’actualité, angoisses et question reviennent à l’esprit tant des parents que des enfants. Il est important que les adultes, qu’ils soient parents ou professionnels, puissent prendre le temps de ressentir et partager leurs émotions afin de mieux accueillir celles des enfants. Ceux-ci se demandant, par exemple, si une telle chose pourrait leur arriver. A ce moment là, il importe d’accompagner l’enfant dans son questionnement, y compris en partageant avec lui son propre trouble, ses propres inconnues plutôt que de répondre de manière faussée dans une toute puissance imaginaire « Ne t’en fait pas mon chéri, à nous jamais rien il n’arrivera ».
Effectivement, les adultes ne savent pas totalement de quoi l’avenir sera fait et cet avenir comprend une part d’angoisse. Parvenir à partager cela avec son enfant, c’est également l’aider à grandir et à se séparer d’une famille éternellement protectrice.