Un monde où les adolescents se suicident plus qu’ils ne poignardent…
Quelle est notre actualité ? Une dégradation spectaculaire de notre sûreté, une terrible augmentation des risques qui nous menacent ? Ou plutôt une sourde inquiétude qui nous ronge de l’intérieur, un défaut du sentiment de sécurité ? Les réponses à ces questions sont complexes.
Par exemple, nous vivons à une époque où l’on court en fait beaucoup plus le risque de se tuer soi-même que d’être tué par un autre. Il y a six à huit fois plus de suicides réussis que de meurtres ; deux fois et demie plus que de morts sur les routes. Plus de morts par suicide que de victimes des homicides et des accidents de la circulation mises ensemble !
Comment s’exprime le plus la violence des jeunes ? Comment comprendre que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents, après les accidents, et la première chez les hommes entre 25 et 35 ans ? Le suicide n’étant d’ailleurs qu’une forme d’auto-agression qui ne devrait pas empêcher de mesurer l’ampleur des dépressions, des addictions, des troubles alimentaires, des conduites d’échec, des pratiques d’automutilation, etc.
Toutes ces conduites témoignent de profonds défauts de sécurité « interne » largement sous-évalués et presque absents des médias, a contrario des faits divers ou des accidents les plus spectaculaires.
Du coup, ne faut-il pas penser autrement certaines approches cliniques ou éducatives ? Par exemple, face aux conduites à risques des adolescents, la logique ne doit pas forcément nous amener à la recherche de l’évitement du risque à tous prix puisque c’est aussi de la confrontation avec le danger que naît un profond sentiment de sécurité.
Est-on moins inquiet quand on reste isolé mais cramponné à un écran ou quand on ressent la solidarité et la compétition dans un groupe ? Qu’en est-il du besoin de se soumettre aux épreuves qui faisait le sens des rituels initiatiques ?
La visée sécuritaire dont l’idéal est la disparition du risque conduit au repli individualiste. Par contre, le développement d’une sécurité subjective suppose d’éprouver sa valeur dans un lien social ; besoin particulièrement aigu à l’adolescence mais qui est en fait toujours au cœur de notre existence.
Il faut rappeler que le sentiment de sécurité se construit au sein des processus de l’attachement qui caractérisent les liens humains. Ces processus qui marquent la petite enfance nous accompagnent aussi tout au long de notre vie. Aussi, la compréhension des ressorts de l’insécurité contemporaine passera par l’exploration de ces processus mis à mal dans nos univers individualistes.